Didier Goubert dirige l’entreprise solidaire Travailler et Apprendre Ensemble d’ATD Quart Monde, à l’initiative du projet « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Le mouvement lance à présent l’expérimentation « Réussir ensemble » dans la métropole de Lyon. Il s’agit de créer une entreprise sociale dont la raison d’être est d’embaucher des jeunes pour leur enseigner un métier, sur le modèle des écoles de production. Objectif : sortir de l’exclusion les jeunes sans formation ni emploi.
Comment est né le projet jeunes « Réussir ensemble » ?
Ce projet est né du constat que Territoire zéro chômeur de longue durée, qui est un de nos projets pilotes aujourd’hui bien développé, ne permet pas d’apporter une réponse aux problématiques des jeunes les plus isolés, c’est-à-dire ceux qui sont déscolarisés, n’ont pas de diplôme, ne sont ni en formation ni en emploi (les NEETs*). Pourquoi ? Car ces jeunes ne sont pas intéressés par le CDI, estiment ne pas avoir de compétences, ne savent pas sur quels sujets travailler et ne veulent pas rester dans leur quartier où ils sont stigmatisés. Les professionnels qui les accompagnent soulignent aussi le fait que si de nombreux dispositifs existent, aucun ne répond vraiment à leurs besoins. Il fallait donc imaginer autre chose. C’est dans ce cadre que nous lançons le projet expérimental « Réussir ensemble » sur la métropole de Lyon.
En quoi consiste cette expérimentation ?
Nous appliquons le principe d’ATD Quart Monde qui consiste à aller à la rencontre des plus démunis puis réfléchir avec eux à des manières de faire différentes et les expérimenter. Pour ce projet, il s’agit d’un groupe âgé de 16 à 30 ans. Nous nous appuyons également sur une spécificité d’ATD Quart Monde que sont les volontaires permanents. Ils sont présents dans les quartiers et créent des liens grâce à divers outils comme la bibliothèque ou les ateliers de rue… Nous mobilisons également pour ce projet un couple dans le 8e arrondissement de Lyon et bientôt quatre personnes sur le quartier Saint-Jean à Villeurbanne. A terme, une entreprise sociale va être créée avec comme raison d’être l’embauche des jeunes pour leur enseigner un métier, sur le modèle des écoles de production.
Une entreprise sociale va être créée
Ils auront un contrat (apprentissage ou CDI), apprendront avec un ouvrier et répondront à la commande de vrais clients. La formation pratique pourra être complétée par des cours pour préparer un CAP, potentiellement donnés par des bénévoles. Nous espérons attirer des entreprises intéressées pour accueillir ces jeunes pendant leur formation, voire à l’issue. Car notre objectif est aussi de créer de l’emploi.
Notre objectif est aussi de créer de l’emploi
Combien de temps dure cet apprentissage ?
Il est important de laisser aux personnes le temps de trouver leur rythme. Certaines devront rester deux ans, cinq ans, pour d’autres six mois suffiront. Pour ces jeunes qui ont été en échec depuis leur plus jeune âge, le temps de reprendre confiance peut être long. C’est pourquoi il faut être souple à la fois sur la nature du public et sur la durée du dispositif. On sait aussi que plus tôt on agit, mieux c’est. L’investissement social a du sens dans la durée.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous sommes dans la phase de recrutement des différentes équipes. Le groupe de jeunes est en train d’être constitué, sachant que nous visons une première promotion d’une douzaine d’apprentis, donc environ 40 jeunes sur quatre ou cinq ans. Une fois qu’un premier collectif sera prêt, nous définirons ensemble les métiers qui seront proposés et recruterons les professionnels qui encadreront les jeunes en atelier. Nous travaillons également sur l’équipe qui construit le projet, et formons une équipe de recherche-action qui compte déjà deux personnes, un chercheur et une stagiaire en master 2. Leur rôle sera de documenter l’expérimentation mais aussi de l’analyser pour nous aider à améliorer le projet en cours de route. C’est une démarche courante chez ATD.
Enfin, nous commençons à recruter le collège des entreprises partenaires. Nous en avons déjà trois et en recherchons une dizaine au total.
De quoi avez-vous besoin aujourd’hui ?
Evolem Citoyen nous soutient fortement pour le lancement du projet et si d’autres fondations souhaitent nous aider, elles sont bienvenues. Au-delà de l’aspect financier, nous recherchons surtout des acteurs, c’est-à-dire des entreprises pour accueillir les jeunes en formation et des bénévoles pour les accompagner, passer un peu de temps avec eux. Ce réseau de relations fera qu’ils se sentiront inclus. Accéder au travail est fondamental, car c’est ce qui vous rend votre dignité, la capacité d’apporter votre contribution à la société.
* Acronyme anglais pour « neither in employment nor in education or training ». Selon l’Insee, ils étaient 1,5 million en France en 2019, soit 12,9 % des 15-29 ans.
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