Le promoteur immobilier lyonnais youse développe une approche originale qui repense le rôle des projets immobiliers au sein d’un quartier ou d’une ville. Usages, durabilité, intérêt collectif sont autant de maîtres mots de leur démarche centrée sur l’humain et l’environnement. Rencontre avec les deux associés fondateurs Sébastien Lapendry et Alain Barbier.
Comment définir votre approche ?
Sébastien Lapendry : Quatre mots clés guident notre action de promoteur immobilier : serviciel, mixte, inclusif et durable. Serviciel, cela signifie que nous abordons toujours un projet par son utilité pour un quartier, une ville, un territoire. Cela nous amène à proposer une offre de services publics et/ou privés, de commerces qui va à la fois répondre aux besoins des usagers de nos constructions, de nos bâtiments, mais aussi à ceux de la ville et du quartier dans lequel on s’implante. Ce n’est pas le type de projet le plus facile à vendre à des opérateurs car un certain nombre d’entre eux va considérer le fait d’avoir une programmation d’activités ou de services trop développés dans leur projet comme un risque. Ils préféreront un immeuble entier de bureaux ou de logements dont ils vont mieux maîtriser la clientèle. On parle beaucoup de mixité mais dans les faits elle est peu concrétisée.
Pourquoi avoir décidé de prendre ce risque ?
Alain Barbier : Parce que pour apporter des réponses pertinentes à des usagers qui ont une pluralité de besoins, un immeuble mono fonctionnel n’est pas adapté. Nous proposons ainsi dans nos projets des logements pour des familles, des jeunes actifs, des seniors, mais aussi des commerces, des équipements privés ou publics, comme un gymnase, des bureaux, une école. Cela s’inscrit dans la réflexion sur la ville du quart d’heure dans laquelle les gens souhaitent travailler, se divertir, se loger sans multiplier les déplacements.
Notre approche de promoteur est aussi inclusive
Notre approche de promoteur est aussi inclusive car nous souhaitons que toutes les activités puissent avoir accès à la ville. C’est à dire celles à caractère commercial et privé, qui génèrent plus de revenus et ont les moyens de payer un loyer, mais aussi celles moins créatrices de valeur financière. Cela est rendu possible grâce à un système de péréquation.
Pouvez-vous donner quelques exemples de concrétisation de cette approche ?
Sébastien Lapendry : Le Chalet du parc de la Tête d’or à Lyon en est un exemple. Nous intervenons dans ce projet pour assurer la réhabilitation du Chalet qui demain sera animé par la Fabuleuse Cantine, la Fondation Good Planet et la Maison Gutenberg avec le soutien financier d’Evolem et de la Banque des Territoires. L’intention est de mêler des services d’intérêt collectif, qui sont le volet dominant du projet, à des services à caractère plutôt commercial. Un axe fort est la sensibilisation à la transition écologique, mais pour que cela puisse exister dans un système qui n’est pas financé par la collectivité, nous devons implanter d’autres activités de restauration, de séminaires et d’événementiel pour générer un revenu qui soutient l’ensemble du modèle économique. Nous avons aussi un autre exemple à Lyon avec La Villa Monoyer qui comprend la restauration d’une villa du 19ᵉ pour y implanter des bureaux de coworking dont les nôtres et celui de notre partenaire Récipro-Cité spécialisé dans la question intergénérationnelle. Le projet comprend un espace de restauration, une salle d’événement privatisable et de petits bâtiments pour une résidence de coliving qu’on louera à des jeunes actifs ou des seniors autonomes. Au cœur du projet, il y a l’ambition d’ouvrir le jardin de la propriété qui est un jardin privé.
Durable est également un mot clé de votre action…
Alain Barbier : Dans la promotion immobilière, on a beaucoup tendance à l’associer à l’aspect environnemental de la construction.
Nous cherchons à aller au-delà des exigences de la réglementation
Dans ce domaine, nous cherchons à aller au-delà des exigences de la réglementation mais surtout, en plus des bureaux d’études Haute Qualité Environnementale qui nous accompagnent depuis très longtemps, on intègre de plus en plus dans nos équipes de conception des experts des métiers de l’environnement comme, des experts arboricoles, des écologues, des spécialistes du réemploi des matériaux, des matériaux biosourcés. Nos projets mixtes et serviciels sont par essence urbains et s’inscrivent parfaitement dans les objectifs du Zéro Artificialisation Nette et de la réduction de nos impacts Carbone.
Lequel de vos quatre principes est le plus difficile à concrétiser ?
Sébastien Lapendry : L’inclusivité. Cela s’explique notamment par le fait que le foncier est onéreux. Pour réussir l’inclusivité, il faut qu’il y ait une action foncière des collectivités territoriales ou alors un intérêt des propriétaires fonciers à la nature des programmes qui vont être développés sur les terrains qu’ils peuvent céder. Il faut aussi séduire des investisseurs sensibles à l’intérêt sociétal et environnemental autant qu’à la performance financière. Cela implique de leur part une stratégie d’investissement ouverte sur les valeurs extra financières, un peu plus créative, avec une approche plus complexe et la capacité à adapter leur modèle économique d’investissement.
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