Repenser le bien vieillir avec une double mission : aider les personnes âgées et les aidants. C’est le moteur de l’aventure entrepreneuriale de Clément Venard, co-fondateur avec Alexandre Nicolet de MonSenior, une solution d’accueil familial à destination des personnes âgées. Un projet porté sur un chemin parfois semé d’embûches dont la conviction d’agir pour une belle cause aura eu raison. Rencontre.

Pourquoi ce choix de l’entrepreneuriat ?

Par vocation. C’est une envie qui m’anime depuis ma plus tendre enfance. J’ai eu la chance de baigner dans ce monde-là, mon père était chef d’entreprise d’une petite PME dynamique dans le monde de l’impression, avec beaucoup de hauts et de bas. Je l’ai vu s’adapter constamment à son environnement, pour créer un produit, proposer un service et mener à bien sa vision des choses. J’étais admiratif et attiré moi aussi très vite par l’envie de monter des projets, de les concrétiser.

Quelle est la genèse de MonSenior ?

Tout est parti de deux parcours de vie, le mien, et celui de mon associé. Alexandre Nicolet est ingénieur, il a fait les Arts et métiers. Après une première expérience en audit financier, il s’est engagé dans l’associatif, durant deux années, aux Philippines pour monter des centres de réinsertion par l’emploi et la formation destinés à des jeunes gens exclus de leur famille du fait du handicap ou d’un parcours de vie difficile. Il est ensuite rentré en France, à Grenoble où nous nous sommes rencontrés. J’ai moi aussi suivi une formation en finance d’entreprises, avant de rejoindre Evolem. J’ai eu la chance de travailler pour Nutrisens, un grand groupe d’agro-alimentaire spécialisé dans la nutrition-santé, avec une équipe de management très inspirante avec Georges Devesa, son dirigeant. Il était convaincu qu’il fallait des solutions pour les personnes âgées qui souhaitent rester vivre à domicile le plus longtemps possible. J’ai entendu parler du dispositif “maison d’accueil familial”, j’en ai parlé à Alexandre et je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire pour les personnes fragilisées par l’âge ou la maladie. Quand l’idée de MonSenior a germé, j’ai senti que ce projet était à la hauteur de mes ambitions.

Quelles étaient ces ambitions ?

Alexandre et moi avons toujours eu la conviction que l’entreprise devait être un moteur du changement.

Nous en avons fait une entreprise solidaire d’utilité sociale.

C’est la raison pour laquelle depuis le premier jour de la création de MonSenior, nous en avons fait une entreprise solidaire d’utilité sociale. Ce qui signifie que notre structure doit être en parfaite adéquation avec les valeurs d’un secteur comme celui du grand-âge et du handicap. Nous devons réinvestir les bénéfices de notre activité pour le développement de l’accueil familial et être irréprochables dans notre manière de fonctionner. Nous plafonnons les salaires et invitons autour de la table l’ensemble des parties prenantes une fois par an pour valider l’adéquation de la trajectoire de l’entreprise avec les valeurs que nous défendons.

Votre projet résonne fortement avec l’actualité…

Ce n’était évidemment pas en lien, même si ce qui se passe dans certains Ehpad n’est pas récent et que le dernier scandale sur ces établissements privés est d’une ampleur assez inédite. Notre souhait n’est pas de diaboliser toutes les institutions, mais de dire qu’il existe  des alternatives à ces établissements d’hébergement. On demande à une personne âgée qui vivait parfois chez elle de façon autonome de faire un grand écart traumatisant en passant en institution. Notre concept : conserver le côté chaleureux d’une maison, d’un jardin, d’une cuisine familiale, d’un foyer avec de la vie autour.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour concrétiser ce projet ?

Chaque projet, notamment engagé pour une cause a son lot de difficultés. Celui que nous portons est innovant et les réticences nombreuses. Vouloir changer la manière de fonctionner d’un système global en y apportant quelque chose de nouveau ne plaît pas à tout le monde. Il paraît utopiste ou irréalisable et le changement fait peur. Nous n’avons pas beaucoup d’alliés, mais ceux qui restent sont fermement engagés à nos côtés. Nous faisons parfois face à des levées de boucliers, d’organismes ou de collectivités, qui devraient être les premiers soutiens ou les premiers acteurs de ce genre d’initiatives. Malheureusement, ils font l’inverse, ils les étouffent.

Une surprise pour vous ?

Je dois avouer que oui. Je pensais pouvoir compter davantage sur les acteurs territoriaux, engagés sur des projets sociaux, environnementaux, et qui participent au changement positif de la société. Non seulement ça n’a pas été une aide, mais certains nous ont même empêché d’agir. Il faudrait qu’on apprenne à mieux se connaître pour collaborer. Il serait utile et même intéressant de faciliter des expérimentations entre les collectivités territoriales qui ont des prérogatives bien spécifiques et des acteurs comme MonSenior ayant la conviction de pouvoir apporter quelque chose de nouveau et surtout, d’utile.

Qu’est-ce qui vous a fait tenir bon ?

Avec Alexandre, on a le sentiment d’œuvrer pour une cause juste, de faire quelque chose de bien et de le faire bien. Une conviction que le système peut fonctionner différemment et qui se traduit en énergie pour avancer tous les jours. Depuis le début de MonSenior, nous sommes dans le concret, le pragmatique. Notre mission est double : aider des familles, et notamment les aidants qui accompagnent des personnes en perte d’autonomie, à trouver la bonne solution. Des aidants qui font face à de grosses difficultés sans y avoir été préparés et qui sont parfois complètement désarmés. Notre mission est d’aider ces aidants, mais aussi les personnes fragiles elles-mêmes, des personnes âgées ou en situation de handicap.

Vos projets pour l’avenir ?

Faire prendre conscience aux Français qu’ils peuvent vieillir comme ils le souhaitent. Dire aux personnes âgées, aux familles, qu’il est possible de choisir un milieu de vie qui soit chaleureux, sécurisant, adapté, sans pour autant devoir rejoindre un établissement médicalisé, montrer qu’il existe des alternatives pour vieillir selon ses attentes et ses besoins. En septembre 2022 nous inaugurerons nos premières maisons d’accueil familial. Une quinzaine de maisons vont voir le jour d’ici fin 2022 et une centaine en 2023, pour l’instant sur les départements du Rhône, de l’Isère, de l’Ain, de la Savoie avec l’ambition de couvrir rapidement tout le territoire national.

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Clément Venard
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