Simon Bernard est le fondateur de Plastic Odyssey, un projet qui déniche et développe des technologies de recyclage du plastique pour les diffuser en open-source au plus grand nombre. Avec ses 11 coéquipiers, il partira en septembre 2022 à bord d’un bateau-laboratoire pour un tour du monde de trois ans le long des côtes les plus polluées de la planète.

Qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre ?

J’ai toujours voulu monter des projets, inventer. Quand j’étais petit, je passais beaucoup de temps à faire des plans de machines, à bricoler, animé par l’envie de résoudre des problèmes. Pendant le 4L Trophy, alors que j’étais étudiant, j’ai récupéré avec un ami des savonnettes d’hôtel pour les recycler puis en refabriquer au profit des populations au Maroc. Ce premier projet était comme un avant-goût de l’entrepreneuriat parce que tous les ingrédients étaient là ! L’année suivante, en 2014, j’ai monté une équipe d’une dizaine de personnes autour d’un projet un peu plus ambitieux : participer à un concours international de bateaux du futur. Nous avons gagné le prix de l’innovation. Cette expérience m’a vraiment plu et j’ai poursuivi en participant au projet « Nomade des mers », qui travaille sur les low-tech, c’est-à-dire des systèmes assez simples pour avoir accès à l’eau, à l’énergie et à de la nourriture. À Dakar, au Sénégal, j’ai eu le déclic. J’ai réalisé l’étendue de la pollution par le plastique et j’ai été marqué par l’ingéniosité des Sénégalais.

En quoi cela vous a-t-il inspiré ?

Dans ce pays de la récup’, on trouve des gens qui peuvent recycler n’importe quoi, de l’acier, du bois, il y a un savoir-faire assez incroyable ! En revanche, le plastique n’est pas transformé parce que c’est une matière complexe et récente qui n’a pas de valeur. Je me suis dit qu’il y avait là une opportunité d’appliquer l’approche low-tech : transformer un déchet pour en faire une matière première mais en utilisant le moins de ressources et d’énergie possible et en étant très durable parce que c’est réalisable à l’échelle locale partout dans le monde. À l’opposé, la high-tech fonctionne selon des systèmes très fermés et consomme énormément de métaux rares, de matière et de ressource.

La low-tech permet de recycler des objets finis et assez simples

Un sac plastique ou des planches pour créer des cubes, des pavés, des briques, des matériaux de construction peuvent avoir une utilité sur place.

Quelle a été la suite de votre parcours après Dakar ?

Lorsque je suis rentré de Dakar en 2016, j’étais encore étudiant [à l’École nationale supérieure maritime]. J’ai vraiment eu l’envie de monter une expédition pour promouvoir le recyclage dans les pays du Sud. Le projet « Plastic Odyssey » est né. Avec Alexandre et Bob mes associés ainsi que notre équipe, nous avons construit un bateau, baptisé Ulysse, pour un tour de France d’abord. C’était un catamaran de 6 mètres, sur lequel on avait posé la première machine pyrolyse pour transformer le plastique en carburant. Des partenaires ont vu de quoi nous étions capables et nous ont suivis. Depuis, on a trouvé de nouveaux sponsors et nous avons transformé un vieux bateau en un laboratoire équipé de machines low-tech et de 150 m2 d’ateliers. Nous commençons un tour du monde en septembre prochain, mais nous avons déjà mené quelques actions en Afrique et en Thaïlande. À chaque escale, nous identifions les initiatives les plus intéressantes. Nous essayons de convaincre les décideurs locaux et des investisseurs. Nous formons aussi des entrepreneurs à bord. Notre ambition est d’être, même si nous sommes une entreprise à but non lucratif, comme un partenaire business pour les entrepreneurs, et pas une ONG.

Que leur proposez-vous ?

Nous ne sommes pas des recycleurs : nous ne collectons pas le plastique ni ne vendons d’objets recyclés. En revanche, nous développons des outils qui permettent de le faire localement. L’objectif, c’est d’arriver à proposer des kits clés en main dans les pays du Sud – en Afrique, Asie et Amérique du sud – afin que des personnes motivées puissent créer leur entreprise sociale qui générera de l’emploi. Ces entrepreneurs collectent le plastique localement et le transforment en utilisant nos machines pour en faire des produits finis vendus localement. Ces solutions clés en main s’accompagnent de formation business et marketing. Comment créer un site internet, par exemple, fait partie des services qu’on pourrait proposer dans le kit. Il s’agit d’aider ces entrepreneurs, qui ont beaucoup de volonté mais aucun accès à la formation en général.

Comment est structuré Plastic Odyssey ?

Nous avons deux équipes : une première qui est vraiment spécialisée sur le recyclage et la création des entreprises et une seconde qui s’intéresse plus à la réduction des plastiques en tant que telle, donc qui travaille plutôt dans le champ des sciences sociales. Certes, la technologie peut aider à trouver des solutions, mais il est indispensable de comprendre les usages et pourquoi on consomme du plastique pour le jeter ensuite.

Il faut travailler sur les comportements.

Cette équipe dédiée intervient auprès des enfants via un programme pédagogique, auprès du grand public pour le sensibiliser et avec des chercheurs en sciences sociales. Ces deux volets sont complémentaires, regroupés dans notre slogan : « Clean up the past and build the future ». Recycler les plastiques déjà produits et construire un avenir nouveau.

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Photo de Simon Beranrd, co-fondateur de Plastic Odyssey
Simon Bernard
Co-fondateur Plastic Odyssey

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