Pour diffuser sa foi dans l’entreprise, comme outil de création de richesse et d’épanouissement personnel, Philippe Hayat a repris le chemin de l’école. Avec son association 100 000 entrepreneurs, il fait dialoguer deux mondes qui ne se fréquentent que rarement : celui des bancs des collèges et lycées, avec celui des patrons, pour des rencontres autour d’une vie et d’un parcours. L’initiative a séduit, et a même inspiré une série de mesures prises par le gouvernement pour libérer et encourager les logiques de création d’entreprises.
L’entreprise, l’école. Deux lieux qui en France fonctionnent traditionnellement en vases clos, et qui souvent s’opposent : l’argent contre le savoir, le travail contre l’épanouissement de l’esprit. C’est cette frontière, largement intériorisée, que Philippe Hayat a décidé de faire voler en éclats, avec une initiative qu’il a fondée en 2007, 100 000 entrepreneurs.
« Mon association s’adresse aux jeunes, entre 13 et 25 ans. Son objectif, c’est de donner aux jeunes l’envie d’entreprendre. Et pour cela, nous avons estimé que la meilleure façon, c’était de faire intervenir des entrepreneurs dans les écoles, pour qu’ils racontent leur histoire, leur parcours, leur aventure d’entreprendre, pour transmettre à leur tour cette envie et ces motivations. »
Après deux heures d’intervention, faites d’échanges et de discussions autour de la vie d’entrepreneur, les jeunes publics posent un regard nouveau sur le monde de l’entreprise, démystifié et plus positif. « Notre idée, c’est qu’ils puissent se dire au sortir de ces interventions qu’il n’y a pas de fatalité, que l’on peut partir, se lancer, porter un projet pour peu que l’on ait une idée ou du talent. On veut montrer comment l’entrepreneuriat est source d’épanouissement ».
Car être patron, ce n’est pas au départ une simple quête éperdue de profit et de revenus. « Ce que nous voulons diffuser, ce n’est pas tant le fait de créer une entreprise et de devenir riche grâce à elle. Notre message porte aussi et presque essentiellement sur l’épanouissement, la réalisation de soi et l’indépendance que l’on acquiert lorsque l’on part en entreprise. La motivation de départ, c’est celle-là ». Plus de 100 000 jeunes ont ainsi été sensibilisés à ce jour.
Et cela fonctionne. « Le monde enseignant nous accueille à bras ouvert, les entrepreneurs veulent revenir et les jeunes nous disent qu’il vont y réfléchir. C’est un travail de fond, qui prend du temps, mais c’est la manière la plus efficace selon moi de valoriser cette manière de travailler et de vivre qu’est l’entrepreneuriat ».
Fort du succès de ces rencontres d’un nouveau genre, Philippe Hayat a remis au gouvernement en septembre 2012 un rapport pour « Un new deal entrepreneurial ». Repris dans le pacte de compétitivité du Premier Ministre, il a été à l’origine de l’organisation des Assises de l’entrepreneuriat. « Je me suis occupé ainsi du groupe de travail sur les jeunes, toujours dans cette logique d’encouragement et de diffusion des valeurs de l’entreprise. Les mesures préconisées ont été reprises par le Président de la République, avec notamment la décision de proposer à tous les jeunes un programme structuré de sensibilisation à l’entrepreneuriat, depuis la 6ème à BAC + 7 ».
Philippe Hayat mène ce combat comme il mène ses projets professionnels. Sans s’arrêter et en inventant un nouveau projet, lorsque le précédent est lancé sur de bons rails. Pour faire suite au travail mené par son association et aux travaux des Assises de l’entrepreneuriat, il a donné naissance au mouvement, « Entrepreneurs demain », qui vise à perpétuer et à élargir cette philosophie de l’entreprise. « Ce qu’il faut retenir, c’est que tous les acteurs de la relation école-entreprises ont été réunis autour d’une table. On va unir nos forces pour nous adresser aux 9 millions de jeunes, via l’Education Nationale et l’Enseignement Supérieur ».
De 100 000 à 9 millions d’entrepreneurs, vous avez dit croissance ?
Le regard de Bruno Rousset
Une fois que l’on a dressé un constat, on peut choisir l’action… ou l’inaction. En entrepreneur talentueux qu’il est, Philippe Hayat a fait le premier choix, en choisissant de s’attaquer à l’une des racines du problème : l’image qu’ont les jeunes de l’entreprise et de ceux qui la font.
Philippe Hayat est aussi un entrepreneur courageux, qui sait qu’on ne règle pas forcément un problème rapidement, mais que certains défis appellent des solutions qui prennent du temps et qu’il faut mettre en place avec patience et minutie.
Le travail qu’il mène auprès des jeunes est en soi essentiel. C’est un travail de fond indispensable. Mais ce qui est également admirable, et révélateur de l’esprit d’entreprise qui l’anime, c’est sa capacité à imaginer une idée – faire dialoguer des chefs d’entreprises et des jeunes – puis à la faire grandir progressivement pour qu’elle soit acceptée et reprise par d’autres acteurs, comme l’Education nationale ou l’Enseignement supérieur.