Rencontre avec Dominique Hervieu, danseuse et chorégraphe, à la tête depuis 4 ans de la Maison de Danse de Lyon. Une femme passionnée, la tête sur les épaules, qui a fait de la démocratisation de la danse contemporaine son cheval de bataille. Y compris en interne.
Racontez-nous votre parcours, comment passe t-on d’une petite compagnie à la tête d’une institution culturelle comme la Maison de la Danse ?
Ma première passion, c’est bien évidemment la danse. Danseuse de formation, je me suis ensuite consacrée à la recherche chorégraphique avec José Montalvo pendant près de 20 ans. Nous avons crée notre compagnie d’une dizaine de danseurs et nous avons eu la chance de connaître un succès fou à travers le monde avec des créations ambitieuses. Nous étions libres mais très exigeants à la fois vis-à-vis de notre travail et avec nous-mêmes.
Après un passage à la direction du centre chorégraphique de Créteil, la Ministre de la Culture de l’époque, Catherine Tasca, me confie en 2000 une mission passionnante : celle d’animer la politique « jeune public » du Théâtre National de Chaillot. J’ai pu alors me consacrer à développer la connaissance autour de la danse en créant une « École du spectateur », en collaboration avec l’Éducation Nationale, en diffusant par exemple avec France 5 des « cartes postales dansées », filmées aux 4 coins du monde… J’ai ensuite dirigé Chaillot pendant 4 ans, un sacré défi ! Enfin, j’ai rejoint la direction de la Maison de la Danse à Lyon en 2011.
L’accès du plus grand nombre à la culture est l’une de vos priorités. Mais qu’entendez-vous exactement par « développer la connaissance autour de la danse » ?
Apprécier pleinement la danse en tant que spectateur, ce n’est pas qu’écouter son ressenti. Ce n’est pas seulement une réaction épidermique. C’est une véritable élaboration de connaissances. Tout comme c’est le cas avec la musique ou la peinture. Je suis persuadée que mon rôle en tant que directrice artistique est de favoriser la transmission de clés de compréhension du geste, de la vision du chorégraphe, de l’œuvre dans son ensemble… J’ai donc insisté tout au long de ma carrière sur le travail d’éducation artistique en organisant des conférences, des rencontres avec les artistes…
La Maison de la Danse a été l’initiative d’une véritable pépite dont nous sommes très fiers : numeridanse.tv, une plateforme digitale autour de la danse qui réunit des centaines de captations de spectacles, de documentaires, de contenus pédagogiques pour les enfants… Une initiative unique au monde qui réunit plus d’une trentaine de contributeurs dont la plupart des centres chorégraphiques nationaux.
Ce travail de transmission est bien évidemment important pour notre public mais il l’est tout autant pour nos équipes en interne.
Si les gens ont envie de développer des compétences ou des sujets qui les intéressent, nous les encourageons, nous les valorisons.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
Lorsque nous montons une nouvelle production, nous invitons bien sûr toute l’équipe à assister à une représentation. Nous organisons également des moments d’échanges entre les équipes des services au public et les danseurs, les chorégraphes… Il est inconcevable aujourd’hui d’aller au devant de notre public et de lui « vendre » une œuvre sans la connaître et surtout sans la comprendre. Les équipes ont ainsi une meilleure connaissance du monde de la danse contemporaine et gagnent en autonomie.
Justement, comment s’organise le travail avec vos équipes ?
Je suis très pragmatique dans mon appréhension du management. Pour moi, on ne peut pas en tant que manager avoir des intentions trop larges, théoriques, voire dogmatiques. A la Maison de la Danse, nous priorisons l’action. Nous fonctionnons en mode projet. Les réunions sont minutées, courtes. Chacun sait ce qu’il a à faire. Chacun a son terrain, ses process : l’administration, la technique… Ce qui nous lie bien sûr, c’est le sens artistique. Si les gens ont envie de développer des compétences ou des sujets qui les intéressent, nous les encourageons, nous les valorisons. On encourage le dialogue, on explique quand on dit oui… mais aussi quand on dit non. Et surtout l’erreur est admise !
Vous êtes investie d’une mission de service public, qu’est-ce que cela implique ?
Nous avons aujourd’hui une véritable mission de vulgarisation à mener pour faire connaître ou mieux connaître la danse et casser son image de loisir élitiste. La danse ne s’arrête pas aux portes d’un théâtre. Notre devoir est de donner accès à la danse, donner accès aux œuvres. Il s’agit d’un droit de l’homme ! Ici à la Maison de la Danse, nous ne sommes pas dans un rapport commercial à la culture. Je ne dirige pas un Zénith… Nous ne sommes pas là pour faire des bénéfices mais bel et bien pour faire entrer la culture dans la vie des gens.
