Le chef étoilé lyonnais est l’un des fondateurs du CFA de la gastronomie qui accueillera ses premiers apprentis en septembre 2022. L’excellence et la restauration durable sont au cœur de cette formation accessible à tous.
Comment est né ce projet de centre de formation des apprentis ?
L’association qui a permis la création de ce CFA a été constituée en décembre 2019 sous l’impulsion de chefs étoilés lyonnais. Il s’agissait de répondre à un appel d’offres lancé par la Métropole de Lyon pour la reconversion du château de Lacroix-Laval dont elle est devenue propriétaire après la fusion avec le conseil général. L’idée de ce CFA, c’est de préparer les jeunes à la haute gastronomie, d’élever le niveau de la formation aux métiers de la cuisine. Au-delà de la formation à un métier, nous voulons leur transmettre l’influence que peut avoir un chef sur ses contemporains, sur le développement des circuits courts, la restauration durable, le soutien aux producteurs et aux éleveurs. Nous souhaitons donner aux jeunes les clés de ce qu’est un chef aujourd’hui mais aussi à l’avenir.
Pourquoi ce nom d’« École secrète de gastronomie » ?
L’idée avait été développée il y a plusieurs années par la communication de l’Office de tourisme de Lyon qui faisait croire qu’il existait une « école secrète » qui formait les grands chefs lyonnais… C’est pourquoi nous avons appelé notre association « École secrète de gastronomie ». Nous nous sommes entourés de professionnels de différents horizons pour mettre en avant cette ambition touristique. Aujourd’hui, un chef n’est pas seulement un cuisinier, c’est aussi un acteur de son terroir et de son territoire. Les gens viennent à Lyon parce qu’ils savent qu’ils vont bien manger. Dans le comité de direction, il y a plutôt des chefs mais nous n’avons aucun problème à élargir le cercle, afin que ce soit un lieu de discussion qui fasse évoluer tout le monde et que chacun se sente concerné.
Comment se déroule la formation ?
C’est une formation au CAP et au bac professionnel, gratuite et en alternance, donc sous contrat avec l’État. Les jeunes signent un contrat d’apprentissage avec des grandes maisons qui nous les confient pour leur formation théorique.
Nous avons changé le rythme de l’alternance
C’est là l’intérêt de notre CFA : nous formons les élèves en immersion pendant trois mois au château, puis ils sont en entreprise pendant deux ans et demi. Nous leur apprenons à travailler seul, puisque l’essentiel des cours sera fait en distanciation depuis leur lieu de travail. Ils suivront une heure de cours en visio chaque matin, avant de partir pour leur journée de travail. C’est dans l’entreprise qu’on apprend le plus, mais il faut qu’ils aient la maîtrise du référentiel imposé par l’État en plus de la formation à la restauration durable que nous mettons en avant.
Nous ferons rentrer des élèves tous les trois mois, ce qui équivaut à environ 170 jeunes par an, originaires de toute la France. C’est assez peu, mais nous avons la volonté de faire du sur-mesure et de créer un pôle d’excellence.
Comment les apprentis seront-ils formés à la restauration durable ?
Au château de Lacroix-Laval, nous avons la chance d’avoir le conservatoire régional de botanique. Il réimplante d’anciennes variétés issues de la région de Lyon, qui était dans le passé une terre de création botanique importante. Pour cela, ses équipes travaillent depuis huit ans avec l’institut Vavilov de Saint-Pétersbourg. Ces graines ont un génome très pur. Auparavant, on ne traitait pas, on n’arrosait pratiquement pas, si bien que ces plantes ont des valeurs gustatives et nutritives importantes. Nous, les chefs, développons ces variétés et sélectionnons celles qui ont le plus d’intérêt, gustatif et nutritif. Les semences sont développées à la ferme Melchior et l’objectif est de les implanter au château pour faire comprendre aux élèves l’intérêt de ces variétés anciennes, de prendre soin du produit en cuisine et l’importance de tout utiliser, de ne pas en jeter la moitié. Il faut leur montrer les bons gestes. Il est possible de faire une cuisine originale sans pour autant n’utiliser qu’une petite partie du produit et limiter la production de déchets.
Le CFA ouvre en septembre prochain mais une première promotion a déjà vu le jour…
Nous avons trouvé des locaux à Saint-Chamond (42) pour accueillir une première promotion dès septembre 2021 avec les quatre formations prévues : boulangerie, pâtisserie, service et cuisine. Les élèves étaient plutôt des personnes en reconversion avec déjà un certain niveau de diplôme, donc nous nous sommes concentrés sur l’enseignement technique. Nous avons organisé des promotions d’une durée d’un mois avec quatre élèves dans chaque catégorie. Coup de chance extraordinaire, c’est l’entreprise Appa, un revendeur de matériel pour la boulangerie et la pâtisserie, qui nous a accueillis. Le propriétaire, qui est un passionné de cuisine, avait aménagé un bâtiment qui héberge un show-room pour la boulangerie et la pâtisserie et des équipements de cuisine. Il y avait aussi sur place un restaurant, une boutique, une cuisine d’application et même des salles pour faire cours. C’était le lieu idéal ! Cette promotion à petite échelle était très éclairante, elle a permis de roder les professeurs, les équipes. Nous serons bien plus prêts à l’ouverture du CFA.
Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?
Que ce n’est pas simple de monter une école ! Que cela prend du temps, de l’énergie, qu’il faut convaincre. Nous sommes petits, nous le savons avec le risque d’être écrasés par les plus gros, notamment au niveau du mécénat. Peu importe, l’important est d’apporter sa pierre à l’édifice.
La formation et l’avenir des jeunes valent bien quelques efforts.
A relire :
Stephan Galy : « Savoir apprendre à apprendre est la compétence majeure »
Voisin : « Nos clés de succès sont générationnelles et familiales »
Crédit photos : @Dado LOPEZ-PEREZ