Fondateur et président d’Epic, Alexandre Mars est un entrepreneur et philanthrope dans l’âme qui a mis son expérience et sa volonté d’engagement au service du bien social. Il explique pour le blog de Bruno Rousset le fonctionnement d’Epic et sa vocation.

Quel a été le déclic de la création d’Epic ?

Alexandre Mars : Comme je l’explique dans mon livre « La Révolution du Partage », j’ai en moi depuis l’adolescence un petit côté Robin des bois, révolté par l’injustice. Mais j’ai vite compris que pour pouvoir me consacrer aux autres, il fallait en avoir les moyens. Mon objectif a donc été de gagner de l’argent, pour pouvoir mettre ceux que j’aime à l’abri mais surtout pour utiliser le pouvoir de l’argent. Je n’ai pas les talents d’un artiste ou d’un sportif mais j’ai trouvé ma voie en tant qu’entrepreneur. Je pensais que j’aurais les moyens de mes ambitions beaucoup plus tôt mais cela m’a pris plus de temps que prévu. Suite à la vente de ma quatrième startup, j’ai fondé Epic, un mouvement mondial qui lutte contre les injustices sociales. L’objectif ? Que le don devienne la norme.

Le fait d’être un entrepreneur aguerri vous a-t-il aidé dans cette démarche ?

Alexandre Mars : Epic est un mouvement propulsé par une startup. Et je pense d’ailleurs que c’est ce qui en fait la singularité et le succès. J’applique les principes et les méthodes du business et du venture capital au monde philanthropique. En me lançant dans cette aventure, j’ai eu la même approche qu’en créant chacune de mes précédentes entreprises : mener une étude de marché pour identifier les besoins du secteur et développer des solutions innovantes pour y répondre. Nous avons par exemple identifié que le manque de temps, de connaissance et de confiance étaient les principaux freins au don. C’est pourquoi nous avons développé des solutions* pour non seulement permettre aux donateurs de donner de façon stratégique mais aussi de vivre leur philanthropie autrement en cohérence également avec leur profil économique. 100% de l’argent reçu par Epic est reversé directement aux organisations sociales de notre portefeuille.

Quel regard portez-vous sur l’économie sociale ?

Alexandre Mars : Les organisations et entreprises sociales jouent un rôle de plus en plus crucial dans l’innovation sociale à travers le monde entier. J’en ai la preuve quand je me rends sur le terrain mais aussi grâce à notre processus de sélection des organisations de notre portefeuille. Près de la moitié des 3 500 organisations candidates ont recours aux nouvelles technologies. Je peux citer SNEHA, une organisation de notre portefeuille en Inde, un pays où 70% des femmes souffrent de violences domestiques. SNEHA fournit des conseils aux victimes de violences et facilite l’accès aux services médicaux, judiciaires et policiers. L’organisation a créé une application pour smartphones qui permet aux victimes de se déclarer. Sur la période 2016-2017, cette application leur a permis d’intervenir dans 13 000 cas de violence. C’est extraordinaire.

Quand vous présentez Epic à des chefs d’entreprises, à quels arguments sont-ils le plus sensibles ?

Alexandre Mars : Au-delà des convictions personnelles, le bien social constitue pour les entrepreneurs ou les chefs d’entreprises un enjeu stratégique pour attirer et fidéliser les millennials en tant que clients mais aussi en tant que talents au sein de leurs équipes. Dans moins de trois ans, cette génération constituera la moitié de la population active. Ces jeunes de 18 à 30 ans nourrissent des attentes différentes : ils refusent de plus en plus de consommer des marques qui ne cultivent pas d’impact social et refusent de rejoindre des entreprises qui n’intègrent pas le bien social dans leurs activités.

Ces attentes créent une réelle pression sur les entreprises qui doivent apprendre à partager leur succès pour rester pertinentes.

En France, les entreprises comme Christian Dior Couture, Derichebourg ou encore L’Oréal, qui ont récemment mis en place le don sur salaire, sont le parfait exemple d’entreprises qui placent le bien social au cœur de leurs activités.

Comment mesurez-vous l’impact social du portefeuille d’Epic ?

Alexandre Mars : Nous avons développé une méthodologie de pointe sur laquelle nous nous appuyons afin de sélectionner des organisations sociales à fort impact. Nous élaborons ensuite un monitoring – collecte et analyse de données mensuelles, échanges réguliers et visites sur le terrain – qui couvre toutes les dimensions de l’organisation sociale et non pas uniquement un projet ou un programme spécifique. Nous mettons ensuite à la disposition de nos donateurs des éléments objectifs via notamment des rapports semestriels. Une application mobile et une série de films en réalité virtuelle leur permettent d’avoir une meilleure perception de l’impact de leur don. Ces éléments sont essentiels pour rétablir la confiance entre les donateurs et les organisations sociales.

Que souhaiteriez-vous que le monde de l’entreprise insuffle au monde dans sa dimension sociale notamment ?

Alexandre Mars : En tant qu’acteurs à part entière de la vie de la société, les entreprises ont le devoir, mais aussi la légitimité de jouer un rôle actif dans la lutte contre les inégalités sociales qui persistent et ne cessent de se creuser.

Elles doivent être en mesure de lier deux notions : le succès et le sens.

Le secteur à but non lucratif et celui de la philanthropie sont en évolution rapide et constante. Il y a donc d’un côté de plus en plus d’individus, d’entreprises, de fondations et de nouveaux types d’investisseurs qui souhaitent s’attaquer aux problèmes sociaux. De l’autre, de plus en plus d’organisations sociales qui offrent et apportent des solutions à fort impact. Pour une collaboration efficace et à fort impact, les fonds privés doivent mettre à disposition du secteur non lucratif des fonds pluriannuels et non affectés à un projet ou programme précis. Quant aux organisations sociales, elles ont un devoir de transparence. C’est exactement ce que fait Epic en tant qu’apporteur de confiance.

* Arrondi sur salaire, don sur les transactions, promesse du partage, “Epic Sharing Pledge”, qui permet aux entrepreneurs de s’engager à donner un pourcentage de la vente future de leur startup, ou les sociétés de private equity de donner un pourcentage de leurs frais de gestion et/ou de leurs plus-values. A titre d’exemple, une société de private equity basée en Grande Bretagne et à New York, 17Capital, est signataire de l’« Epic Sharing Pledge » et s’est ainsi engagée à reverser 1% du ‘carried interest’ de son dernier fonds de 1,2 milliard d’euros à Epic

A relire : L’interview d’Arnaud Vaissié pour International SOS

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Le regard de Bruno Rousset

Le monde a besoin des entrepreneurs pour activer la justice sociale.

Photo du livre d'Alexandre Mars pour Valeurs d'Entrepreneurs, le blog de Bruno RoussetAlexandre est un vivant exemple de cet engagement via Epic et met son talent à disposition des plus pauvres et plus démunis dans un monde où un milliard d’humains vit avec moins de un dollar par jour.

Je vous recommande la lecture de son livre “La révolution du partage” sorti en ce début d’année chez Flammarion.

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Alexandre Mars
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