Fondateur de l’association 60 000 Rebonds, Philippe Rambaud revient sur les enjeux culturels et normatifs liés à la faillite des entreprises, et sur les actions à mettre en œuvre pour aider les dirigeants à dédramatiser et surmonter ces épreuves souvent douloureuses.

Que peut-on faire aujourd’hui pour aider les entrepreneurs en échec ?

Le premier enjeu, c’est celui de la caution personnelle. Plutôt que d’impacter les taux d’intérêts ou les conditions de financement, les banques demandent aux entrepreneurs de se porter caution personnelle. La plupart du temps sur des biens immobiliers, ce qui peut provoquer des désastres humains considérables. Lorsque l’on fait faillite, la famille est donc entraînée dans une déconfiture pour laquelle elle n’est pas responsable. Elle a juste été solidaire. Les banques doivent évidemment se prémunir contre les risques de faillite, nombreux et réels, mais devraient se protéger autrement. A une époque, c’était interdit, et on faisait payer ce risque par des taux d’intérêts plus élevés. Aujourd’hui, on veut afficher des taux bas et on demande des protections dont les conséquences peuvent être disproportionnées.
Le second grand enjeu, c’est celui de l’assurance chômage. Aujourd’hui, 50% des entreprises déposent dans la première année, et 82% au bout de 8 ans. La probabilité de réussite à moyen ou long terme est donc faible. Il faut donc que les créateurs se protègent, et donc cotisent à un système d’assurance qui va ne donner le temps de bien digérer et de penser à leur rebond. Si on n’a plus un sou, qu’on ne peut pas payer son loyer, un téléphone portable, il y a peu de chances qu’on arrive à rebondir intelligemment. J’en ai bénéficié, c’est un confort qui est nécessaire. Aujourd’hui, les entrepreneurs n’y pensent pas, ou bien ne veulent pas y penser non plus. Ils pensent qu’ils s’en sortiront. Mais en réalité, non, la plupart vont à la faillite sans avoir eu le temps de mettre du patrimoine de côté.

Est-ce qu’il faudrait rendre ce système d’assurance obligatoire pour les patrons également ?

A une époque, on se disait : le patron va se faire assez d’argent et n’a pas besoin aide. Aujourd’hui, les gros profits, c’est derrière nous. D’autant que la plupart du temps, les entrepreneurs mettent toutes leurs économies pour lancer leur affaire. Après, l’obligation, c’est toujours compliqué, ce serait vu comme une charge sociale supplémentaire. Dans un premier temps, il faut inciter les entrepreneurs à se protéger et à contracter une assurance. Il y a des produits qui existent, et il faut espérer que le nombre de cotisants augmente pour que l’assiette soit suffisamment réduite et pour que ces produits soient plus accessibles. Je pense qu’un jour, cela se fera de manière automatique.

Au-delà de ces aspects réglementaires, la notion d’échec et ce qu’elle représente est aussi quelque chose de fortement culturel ?

Pendant notre éducation, on apprend en France beaucoup de choses, qui sont de l’ordre du savoir-faire.

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Le regard de Bruno Rousset

Assurer son échec et vivre avec

Cette rencontre avec Philippe Rambaud soulève un premier problème fondamental. C’est un truisme de dire cela, mais les dirigeants d’entreprise sont d’abord des hommes et des femmes avec une histoire, une vie, une famille, etc. Une des rançons de leurs éventuels succès, c’est qu’ils doivent également envisager l’échec et s’y préparer, pour ne pas sombrer individuellement et entraîner avec eux leurs proches dans une histoire qui les concerne avant tout.

Cela passe par le fait de s’assurer individuellement d’une part. Car notre première responsabilité, en tant que chef d’entreprise, c’est de savoir mesurer toutes les conséquences qu’engendre la prise de risque liée à l’entrepreneuriat. Au niveau réglementaire, cela doit aussi nous amener à réfléchir, et à faire réfléchir les pouvoirs publics, sur le concept de caution solidaire.

Une autre problématique que soulève cette interview est d’ordre culturel. C’est la question de l’échec et des tabous qui l’entourent en France. Celle-ci ne se résoudra ni au niveau individuel, ni au niveau réglementaire. Elle doit être posée à une plus grande échelle. Dès l’école, l’échec devrait être enseigné comme une opportunité, et non pas comme une faiblesse, source de stigmatisation, de honte et de repli sur soi. C’est un particularisme culturel qui prendra certainement plusieurs générations à être gommé, mais il est absolument nécessaire pour favoriser et encourager le fait d’entreprendre en France.

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Philippe Rambaud
Président
Société
60 000 Rebonds
Activité
Association d'aide aux dirigeants
Date de création
2012
Effectifs
308 membres

Logo 60 000 Rebonds par Philippe Rambaud , pour le blog Valeurs d'Entrepreneurs