Rejoué est une association de collecte et de rénovation de jouets qui propose un chantier d’insertion unique en Ile-de-France, qui vise prioritairement des femmes. 65 salariés ont été accompagnés au cours de l’année 2021 et 66 000 jouets rénovés cette même année. Rencontre avec sa fondatrice, Claire Tournefier, qui revient sur la création du projet et les précieux liens à tisser entre le monde de l’insertion et celui de l’entreprise.
Comment est née l’idée de l’association Rejoué ?
Après la naissance de mon enfant, j’ai pris conscience de la surconsommation de jouets. Je traversais une période où, à mon retour au travail, quelqu’un occupait mon poste plus durablement, ce qui m’interrogeait sur mon futur professionnel, avec la volonté d’exercer une activité qui ait du sens. J’étais bénévole dans l’association Solidarité Nouvelle pour le Logement qui aide des familles précaires à se loger et à la Croix-Rouge où je participais à l’organisation du sapin de Noël et à la collecte de jouets. Les dons étaient nombreux mais il n’y avait pas suffisamment de bénévoles pour revaloriser les jouets de cette collecte. Je me suis dit qu’il y avait là un vrai sujet dont j’ai décidé de m’emparer. J’ai rencontré deux structures, à Strasbourg et Oyonnax, qui faisaient du réemploi de jouets et de l’insertion sociale et professionnelle. Elles m’ont inspirée pour développer une offre en Île-de-France.
Pourquoi avoir décidé de cibler les femmes en particulier ?
Quand j’ai réalisé mon benchmark des offres d’emploi en l’insertion, je me suis aperçue qu’il y avait peu de projets d’insertion accessibles aux femmes en charge de famille. Ce qui est une forme d’exclusion que j’avais vécue à mon retour au travail. Sauf que j’avais la chance d’avoir un conjoint qui travaillait avec un salaire suffisant pour nous tous. Que fait-on quand ce n’est pas le cas et les contraintes professionnelles sont incompatibles avec votre vie familiale ? Même dans les structures d’insertion, on propose peu d’activités avec des horaires qui permettent d’amener et d’aller chercher ses enfants à l’école…
Aujourd’hui notre public est composé à 66 % de femmes.
Aujourd’hui notre public est composé à 66 % de femmes, il nous est adressé par différents partenaires comme des structures associatives, généralement des hébergements d’urgence, des centres d’accueil.
Concilier les deux approches, le reconditionnement de jouets et l’insertion professionnelle des femmes, n’était pas forcément simple. On m’avait alertée sur la complexité de travailler sur ces objets très variés avec des types d’interventions particuliers, que cela allait nécessiter beaucoup de formations, que les publics visés n’allaient pas être forcément en capacité d’être formés.
Cela ne vous a pas découragée ?
Non, j’avais très envie de dépasser tous les freins que l’on m’avait opposés. Dans le monde de l’insertion, un peu figé, le fait d’arriver du monde de l’entreprise m’a fait aborder les solutions différemment. Tout était possible, notamment rendre les formations accessibles à tous. Un frein majeur était parfois la maîtrise de la langue française mais nous avons organisé des cours. Nous avons également mis en œuvre des stages de découverte des métiers avec Pôle emploi. Mon idée était d’apporter de la créativité dans les parcours, de faire émerger des solutions, des partenariats avec les entreprises, de créer des passerelles. Cela n’a pas été si compliqué que ça. Il fallait mobiliser des ressources, expérimenter sans s’empêcher d’avancer, travailler avec des partenaires comme les entreprises.
Quels sont vos liens avec les entreprises ?
Le partenariat avec les entreprises est stratégique dans notre développement. Elles ont une envie croissante de s’engager avec des associations, de développer des actions de RSE. Nous leur proposons d’organiser des collectes, d’être mécènes, de venir faire un team building pour comprendre et participer à notre activité. Elles peuvent aussi proposer du mécénat de compétences, du bénévolat, des stages pour les salariés en parcours. Des personnes viennent pour une journée voir comment les salariés en insertion trient, nettoient, recomposent bref, travaillent. Car c’est un vrai travail, ce n’est ni une occupation ni une action de charité.
Ce n’est ni une occupation ni une action de charité.
C’est important dans la compréhension de toute cette économie circulaire. L’échange se fait d’humain à humain, à travers ces objets qui sont ludiques avec des valeurs positives !
Quelles sont aujourd’hui vos perspectives ?
L’objectif à court terme est de trouver un nouveau local d’activité, l’entrepôt où nous implanter définitivement en 2023. Nous avons besoin d’une implantation pérenne qui nous permette de nous ancrer dans un territoire pour développer les ventes locales, en particulier avec les professionnels de l’enfance, les crèches, les centres de loisirs et les ludothèques.
Depuis la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire, les professionnels de l’enfance, notamment via les collectivités, ont la possibilité d’acheter 5 % de jouets issus du réemploi. Ces professionnels sont aussi des prescripteurs pour les parents. Nous sommes tous concernés par la nécessaire sobriété de consommation des ressources.
Quels sont les grands enseignements de l’aventure Rejoué ?
L’importance de la persévérance. Tous les petits pas comptent et le collectif est essentiel. L’aventure se construit en trouvant peu à peu les bonnes personnes, les bonnes idées car la capacité d’audace est aussi fondamentale, il faut oser et expérimenter, analyser ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Le grand enseignement est aussi le plaisir que provoque le départ des personnes qui partent vers un autre emploi, qui trouvent un logement… Quand elles reviennent témoigner auprès de l’équipe, cela fait chaud au cœur !
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