Créée en avril 1991 par Pieric Brenier avec 4 collaborateurs, C’PRO s’est d’abord lancée sur le marché des solutions d’impression à destination des professionnels puis s’est ouverte à d’autres savoir-faire en téléphonie ou informatique d’entreprise. Aujourd’hui, l’entreprise compte 300 salariés, 10 000 clients en région Rhône-Alpes et 61 M€ de chiffre d’affaires en 2013.
Quelle définition donnez-vous de l’entrepreneur ?
Pour moi, c’est d’abord quelqu’un de foncièrement libre. Fédérateur souvent, polyvalent toujours, avec un côté chef d’orchestre. Surtout, il a une envie, une vision de son marché, de son métier ou de la manière de le pratiquer. C’est ce qui me fait penser qu’au fond, j’ai toujours voulu être entrepreneur… Il se trouve que j’ai atterri dans l’informatique, cela aurait pu arriver dans un autre domaine, ce sont les hasards de la vie.
Quel type d’entrepreneur êtes-vous ?
Je connais bien mon métier – les solutions d’impression et plus généralement l’informatique – je l’apprécie. Mais je vis surtout pour que les collaborateurs m’aiment bien et qu’ils soient contents de travailler dans mon entreprise. Je me suis toujours efforcé de créer et d’entretenir une bonne ambiance chez C’PRO : on passe tellement de temps à travailler, autant que cela se fasse avec le sourire ! Moi j’ai besoin de ça. En fait, je ne peux pas vivre sans ça !
La culture interne prime sur la culture du résultat ?
Non, il n’y a pas de hiérarchie entre les deux, mais une interdépendance : d’abord parce qu’une entreprise doit dégager des profits pour miser sur l’interne. Ensuite, parce qu’en soignant les collaborateurs, on soigne aussi ses clients, c’est une spirale très positive… D’ailleurs, nos valeurs sont autant tournées vers l’interne que vers l’externe : le respect, l’engagement, l’innovation dans les solutions que l’on apporte à nos clients ou que l’on imagine en termes de management, la loyauté… Notre singularité consiste à dire que nos clients sont très importants – mais ça, tout le monde le dit et souvent le pense – mais que nos collaborateurs le sont tout autant.
Concrètement, comment faites-vous vivre cette culture interne ?
On consacre par exemple, 1,5% de notre masse salariale en événements internes. Tout récemment, toute l’entreprise est partie à Malte pour partager le business plan des trois prochaines années. On en profite pour diffuser des messages, déminer les sujets polémiques internes – la parole est désinhibée – et surtout fêter ensemble notre réussite. Il n’y a rien de mieux pour fédérer les équipes ! Cela passe aussi par des questionnaires de satisfaction qui mesurent régulièrement le moral des troupes. Chez nous, les gens jouent le jeu. Aucun problème, aucune difficulté ne reste lettre morte, j’ai une équipe RH mobilisée pour sonder les équipes et répondre au mieux à leurs besoins. Quand une équipe enregistre des résultats moins bons, on cherche plutôt à la mettre en avant, à l’aider à sortir de cette mauvaise passe. Mais attention, si on donne beaucoup, on demande aussi beaucoup !
C’est le revers de la médaille ?
On n’a rien sans rien ! C’PRO aujourd’hui, c’est une entreprise successfull : nous sommes le plus gros distributeur Canon et Toshiba d’Europe. Et le succès se mérite. Alors, oui il faut se donner de la peine, travailler beaucoup, s’impliquer. On a donc besoin de collaborateurs exigeants, engagés, passionnés. La cohésion génère aussi l’exclusion : si on ne se reconnait pas dans la culture C’PRO, on ne peut pas y rester à terme. C’est donnant donnant : si je suis heureux de passer un week-end avec mes collaborateurs, il faut qu’ils le soient aussi.
Quitter C’Pro c’est possible ?
Sur les 300 collaborateurs de l’entreprise, on a environ 30 départs par an. 10%, c’est beaucoup alors qu’on a en parallèle une très bonne image de marque employeur ! Comme notre culture interne est très forte, il faut y adhérer pleinement. Se séparer d’un salarié est toujours une étape difficile mais incontournable parce que les individus évoluent, les priorités changent et que l’entreprise doit rester ! J’en suis le garant et il est même de ma responsabilité de lui dire, « si tu es mal, je l’entends. Sois entrepreneur de ta vie, change et je peux peut-être t’y aider ! » Oui, il nous est arrivé d’aider financièrement un salarié à se former pour évoluer professionnellement et par là-même quitter C’PRO. J’assume pleinement !

Le regard de Bruno Rousset
Crise économique, chômage, plans sociaux, décroissance… Avec son lot de difficultés économiques, notre époque est confrontée à un mal-être généralisé sur les lieux de travail. Si les qualificatifs varient – souffrance au travail, stress, harcèlement moral – le constat est le même : la France qui travaille – une partie d’entre elle, en tout cas – souffre.
Pieric Brenier prend le contrepied de ce constat. Il a fait du bien-être au travail non pas un moyen d’atteindre un résultat mais un objectif, son objectif : créer, animer et faire vivre une entreprise pour permettre à chacun de ses collaborateurs d’être heureux et d’être heureux lui-même. Il est dans ce contexte ô combien légitime que C’PRO ait obtenu le label « Great Place to Work » dont tous les ingrédients sont ici réunis : organisation en petites unités à taille humaine, partage de l’information, respect des libertés individuelles…
Au prix d’une mobilisation sans faille auprès de son équipe, Pieric a gagné son pari : conjuguer croissance de l’entreprise et bien-être individuel. Un pari audacieux marqué d’une grande lucidité : une entreprise qui donne beaucoup à ses collaborateurs est en droit d’en attendre beaucoup. Entre C’PRO et ses collaborateurs, le contrat est clair. Et Pieric Brenier assume pleinement, à juste raison.