Montrer l’Afrique qui entreprend, pas celle qui tend la main. À la tête d’Afrobytes, hub digital dédié à la Tech africaine co-créé avec Ammin Youssouf, Haweya Mohamed tisse des liens depuis Paris pour faire vivre une dynamique de partenariats d’affaires à l’échelle internationale, nourrie par le dynamisme du continent africain. L’aventure se poursuit avec The Colors sur les secteurs de la beauté et de la mode durables. Rencontre.
Après une expérience de dix ans dans les médias, puis en tant que directrice de cabinet d’Alain Afflelou, pourquoi avoir choisi l’entrepreneuriat ?
J’aime raconter de belles histoires. Avec mes expériences chez Endemol, Isabelle Camus (productrice de la série Un gars, une fille, ndlr), Channel 4, qui coïncidaient avec l’émergence de la téléréalité en Europe mais aussi l’arrivée de grandes séries comme Desperate Housewives j’ai eu l’opportunité de le faire pour les autres. Quand j’ai eu envie de le faire pour moi, je suis devenue entrepreneure. En 2014, j’ai quitté mon poste de directrice de cabinet chez Alain Afflelou pour partir à Casablanca. J’avais envie de raconter l’Afrique que je connaissais. Je suis d’origine somalienne. Quand en 1992 l’opération « Du riz pour la Somalie » a été lancée, j’ai été frappée car cela ne correspondait pas à l’Afrique que je voyais quand j’y allais avec ma mère.
valoriser toutes les choses intéressantes du continent africain que l’on ne rendait pas visibles
J’ai toujours eu cela en tête, valoriser toutes les choses intéressantes du continent africain que l’on ne rendait pas visibles.
Comment est née l’aventure Afrobytes ?
En 2014, je voyais d’une part de grands groupes arriver à Casablanca pour rayonner sur le continent Afrique et d’autre part des incubateurs de projets de nouvelles technologies qui se développaient en Afrique subsaharienne. En revenant à Paris j’ai rencontré mon associé Amine Youssouf. Nous sommes partis à la découverte de ces incubateurs qui commençaient à avoir un impact sur la jeunesse africaine. Tous étaient unanimes, ils avaient besoin de visibilité et de partenariats internationaux solides. De notre côté, nous souhaitions créer des passerelles, encourager les échanges entre les grandes entreprises et investisseurs avec les talents et compétences présents en Afrique et contribuer à faire évoluer l’image du continent en mettant en avant les opportunités de business. Nous avons rencontré le chef de cabinet de Pierre Gattaz alors président du Medef et c’est au sein des locaux du Medef que nous avons commencé en 2016.
Où en est le projet aujourd’hui ?
Afrobytes est devenue une marketplace axée business et notre fierté est de permettre à tous ces acteurs de se rencontrer. Le développement des outils numériques facilite aussi grandement les échanges. Je crois en l’adage Your Network Is Your Net Worth, ou « Qui sort s’en sort ».
La taille et la force du réseau font le succès
La taille et la force du réseau font le succès, tout comme l’envie et la capacité de voir ce qui se fait ailleurs et de partager. Toute cette richesse me porte, tout comme la satisfaction de voir les choses évoluer. Entreprendre, c’est dur mais quel plaisir d’échanger chaque jour avec des gens incroyables qui font beaucoup avec peu ou qui abandonnent des postes incroyables simplement car ils ont envie de porter des projets qui leur tiennent à cœur.
Avec The Colors, vous franchissez une nouvelle étape ?
The Colors concrétise toujours cette volonté de valoriser le continent africain en ciblant les consommateurs multiculturels. Là aussi l’enjeu est de créer des ponts. Nous souhaitons faire naître un dialogue à grande échelle entre l’Afrique, l’Europe et les États-Unis autour des secteurs de la beauté et de la mode en interrogeant la chaîne de valeur. Dans la cosmétique, les matières premières sont fondamentales, que ce soit le beurre de karité, l’huile de coco, l’Ylang Ylang… Tout cela vient du continent africain où des personnes connaissent parfaitement ces produits et leurs secrets.
Mon souhait est de créer des échanges avec les agriculteurs. Ceci est important à la fois pour les producteurs de produits de beauté et les influenceurs qui parfois ne savent même pas à quoi ressemble la plante ou le fruit qui compose les produits, mais aussi au niveau local pour que ces ressources soient mieux connues et préservées. Tout cela est générateur d’emploi et il y a un enjeu fort à le faire comprendre. La pédagogie est au cœur de notre démarche. On parle beaucoup de durabilité, je suis convaincue que c’est avec ce type de démarche qu’elle peut se concrétiser.
A relire :
Thomas Huriez (1083) : “Tout est politique, même l’entreprise”
Rémi Rochon : “S’engager avec l’amour de la cause que l’on défend”