Connaissez-vous l’Académie Entrepreneuriat & Innovation ? Ce groupement d’enseignants-chercheurs en entrepreneuriat mène de nombreux travaux thématiques, édite une revue, organise colloque et remise de prix. Valeurs d’entrepreneurs est parti à la rencontre de sa présidente Catherine Léger-Jarniou, professeur émérite de l’université Paris Dauphine et ancienne responsable du Master Entrepreneuriat. Avec une question : comment réunir monde académique et professionnel autour de l’entrepreneuriat ?
De quelle manière abordez-vous l’entrepreneuriat au sein de l’Académie ?
Quand on parle d’entrepreneuriat, on parle de culture entrepreneuriale, c’est important de ne jamais l’oublier. On parle beaucoup de la création d’entreprise mais ce n’est que l’aboutissement de tout un processus de dissémination d’un état d’esprit. L’entrepreneuriat, ce sont toutes les innovations qui permettent de faire les choses différemment en créant aussi au sein des structures existantes (que ce soit des associations dans toute leur diversité ou des entreprises). L’intrapreneuriat est indispensable aux grandes ou moyennes entreprises d’une certaine envergure qui veulent se développer. Entreprendre c’est faire émerger des projets.
Quels sont les travaux en cours au sein de l’Académie ?
Nous avons actuellement une dizaine de groupes de travail thématiques très divers : entrepreneuriat et genre, entrepreneuriat rural, business transfer, entrepreneuriat international, entrepreneuriat culturel et créatif, entrepreneuriat familial, etc. L’entrepreneuriat et genre est un sujet majeur car il a besoin de visibilité tout comme celui de la place des femmes dans la gestion d’entreprise. L’entrepreneuriat rural est un sujet à l’importance croissante du fait du réchauffement climatique, des questions d’éthique alimentaire et de la transformation du monde agricole. La transmission d’entreprises fait quant à lui l’objet d’un travail qui consiste à l’appréhender non plus comme le passage d’une entreprise d’une personne à une autre mais comme une dynamique plus globale à l’échelle d’un territoire et de la vitalité de son activité économique. La création et la reprise d’entreprise ont leur mot à dire dans la manière dont peuvent se redessiner les territoires. Certains maires l’ont bien compris et louent des locaux commerciaux, parfois pour un euro, à des porteurs de projets. Enfin, le travail sur l’entrepreneuriat international, s’il est plus récent, n’en avance pas moins pour autant. Il y a beaucoup à faire dans tous ces domaines, nous faisons pour chacun un travail d’analyses dont l’objectif est de nourrir des propositions concrètes.
De quelle manière diffusez-vous vos travaux aux entreprises et décideurs ?
La dissociation entre le monde académique et le monde professionnel est encore forte. Nous savons que la pierre est dans notre camp en termes de diffusion même si le monde professionnel pense souvent que nous sommes des « intellectuels », et que nos travaux ne lui sont pas utiles. A côté de notre revue académique, La Revue de l’Entrepreneuriat, certains de nos collègues dirigent et écrivent dans la revue Entreprendre & Innover qui vise à créer un lien avec un autre type de public, mais ce n’est pas simple. La rencontre se fait aussi lors de journées thématiques locales où nous invitons à débattre des représentants des institutions ou de syndicats professionnels.
Quelles seraient les pistes pour aller plus loin ?
Multiplier les rencontres, car quand nous échangeons avec les entrepreneurs et l’écosystème entrepreneurial, nous voyons bien que nous avons les mêmes préoccupations. Seuls les angles d’attaque ne sont pas les mêmes mais nous pouvons construire des choses ensemble. Les chaires sont aussi des espaces de mixité intéressants car à mi-chemin entre le monde académique et le monde professionnel. Nous sommes convaincus que nos travaux de recherche pourraient être utiles pour nourrir tout un ensemble de réflexions sur l’entrepreneuriat et ses enjeux aujourd’hui. À condition, et nous en sommes bien conscients, que nos recherches soient intéressantes et accessibles.
A relire :
Isabelle Huault : Faire émerger une vision plus éclairée du monde
Julien Dossier : « Des changements en profondeur sont nécessaires, une métamorphose est possible »