Abdel Belmokadem est un bâtisseur de passerelles entre les exclus de l’emploi et les entreprises. Cet ancien boxeur professionnel a remisé ses gants pour se lancer dans un combat de très longue haleine. Son ring ? Les quartiers « sensibles ». Ses adversaires ? Toutes ces choses qui font obstacle à ce qu’une personne éloignée de l’emploi y revienne ! Pour lui, il n’y a pas de fatalité et tout est possible pour qui a « la rage de réussir et d’oser faire un pas vers l’autre ». Avec sa connaissance du terrain, son analyse sensible de la situation, sa volonté, Abdel Belmokadem a déplacé des montagnes en amenant des recruteurs dans les cités pour y chercher –et y trouver- les compétences qu’ils ne pensaient pas y découvrir. Alors, inlassablement, il relance les entreprises d’un « Tendez-nous la main ! » qui sonne comme une invite à plus d’humanité.
Vous racontez que vous avez commencé en vous improvisant dans ce qui est devenu votre métier : expliquez-nous votre parcours !
J’habitais à Vaulx en Velin, au Mas du Taureau, quand le quartier a flambé, en 1990. Et à l’époque, je m’étais en effet improvisé comme médiateur. La Ville a souhaité ensuite poursuivre l’expérience, mais il n’existait ni référentiel, ni formation. On m’a fourni un cadre, j’ai construit mon poste de médiateur à ma manière, en m’inspirant de mon expérience dans le sport [Abdel Belmokadem était boxeur professionnel] notamment. J’ai développé alors le premier service de médiation dans une collectivité, en France, puis je l’ai dirigé. Mais je n’ai jamais fait le deuil de mon projet de création d’entreprise. C’est ainsi qu’est né Nes&Cité en 2001.
Comment se sont déroulés vos débuts ?
C’était très compliqué pour moi parce que je devais réussir à décrire ma pratique de la médiation et à la conceptualiser. Au départ, mes formations à la gestion des conflits, des crises, des situations de violence… ont intéressé les entreprises publiques qui intervenaient dans les quartiers comme GDF, la RATP. Mais il est apparu que notre offre pouvait être utile à toutes les entreprises confrontées à des difficultés interpersonnelles, à des relations avec des clients difficiles par exemple.
Et dès que votre entreprise a gagné un peu d’argent, vous l’avez investi pour la collectivité ?
En 2004, j’ai en effet décidé d’investir l’argent gagné par Nes & Cité dans un projet à caractère social : Jobs&Cité. Partant du constat que je ne pouvais pas aider tout le monde, mais que j’avais un savoir-faire et un réseau d’entreprises, j’ai tout mobilisé pour lancer des forums emploi.

Le regard de Bruno Rousset
Abdel Belmokadem : La cité des talents
Lorsque j’ai rencontré Abdel pour la première fois, j’ai été impressionné par ses convictions et sa détermination.
Abdel, c’est le contraire du défaitisme ambiant. Pour lui, tous les humains ont toujours, quel que soit leur milieu social mais à condition de le vouloir, une place à prendre dans la société et un talent à révéler.
Les recruteurs des entreprises françaises ont l’obsession du diplôme- contrairement à ceux des entreprises allemandes qui prennent en compte, dès le deuxième emploi, les compétences des candidats-, et l’aversion des jeunes de nos banlieues défavorisées. Abdel a su faire bouger les choses, dans certains cas. C’est un début prometteur et sa façon de procéder est probablement une méthode d’avenir pour recréer le lien social dans les banlieues.
De nombreux jeunes sont éloignés de l’emploi par manque d’information. Nous devons aller les chercher « jusque dans leur cage d’escalier », comme le souligne Abdel, pour les intégrer, en étant bien conscient qu’il est deux conditions sine qua non pour que le recrutement réussisse: « le savoir être » et le « vouloir faire ».
Merci, Abdel, pour cette extraordinaire leçon d’optimisme et de mise en pratique concrète de « l’ascenseur social ! »