En créant RAISE en 2013, Clara Gaymard et Gonzague de Blignières voulaient donner corps à une intuition : créer un écosystème vertueux, performant et bienveillant en créant des ponts entre tous les acteurs qui font la croissance française. Le bilan est prometteur et témoigne de la capacité d’action et de décloisonnement de l’écosystème. Rencontre avec Gonzague de Blignières.
Quel était votre objectif en créant RAISE ?
Gonzague de Blignières : Réconcilier la rentabilité financière et la philanthropie. Avec Clara Gaymard nous avons concrétisé ce défi en créant une société de capital investissement qui investit des tickets minoritaires de 10 à 50 millions d’euros dans les ETI et PME. Nous ciblons tous les secteurs, nous avons par exemple investi dans l’entreprise Babilou, ou bien dans Nature&Découvertes. Aujourd’hui, 58 actionnaires sont engagés dans ce projet dont près de la moitié sont des sociétés du CAC 40. Nous avons également lancé en 2017 RAISE REIM, une société de gestion de portefeuille dédiée à l’immobilier, et RAISE Ventures, un véhicule d’investissement ciblant les startups innovantes. Chacune de ces trois activités reverse 50 % de son intéressement à la fondation RaiseSherpas qui soutient gratuitement les startups en phase de développement « post amorçage » par des programmes d’accompagnement personnalisés. Aujourd’hui RAISE au total, ce sont près de 700 millions d’euros sous gestion, une trentaine de collaborateurs à parité totale et surtout un modèle d’entreprise généreuse.
Qu’est-ce qui a séduit les 58 actionnaires ?
Gonzague de Blignières : Le triple aspect de ce projet : citoyen, bienveillant et rentable. Citoyen parce qu’il démontre que
les jeunes sont capables d’aider leur pays.
Bienveillant, car nous accompagnons individuellement les jeunes pousses sélectionnées par la fondation. Rentable car nous travaillons avec des professionnels de l’investissement. Apporter de l’aide aux entrepreneurs de notre pays séduit. Et ce projet est unique car nous le faisons dans un contexte philanthropique et pro bono.
Avec le recul, est-ce que le choix d’accompagner les startups à travers votre fondation s’est révélé positif ?
Gonzague de Blignières : Bien sûr. 50% des entreprises en France meurent entre 2 et 5 ans. C’est sur cette période que nous avons construit notre accompagnement à travers 4 programmes : des prêts d’honneur de 100 000€ à taux zéro sans garantie, des accompagnements par des grands groupes sous la forme de tutorats, des diagnostics réalisés pro bono par de grands cabinets de conseil, et, dans les MBA internes des grands groupes, des accompagnements de startups par des cadres à haut potentiel. Dans cette dynamique, la plus-value est réciproque entre la startup et le grand groupe. D’autant que ces derniers sont souvent en recherche d’immersion dans un esprit startup afin d’insuffler un nouvel élan à leur organisation.
Pour quel résultat ?
Gonzague de Blignières : Certaines jeunes pousses accompagnées au tout début de leur histoire sont devenues des « stars ». Nous pouvons prendre l’exemple de Manomano, à qui nous avions accordé un prêt d’honneur à taux zéro sans garantie, et qui emploie aujourd’hui 400 personnes. Il faut aussi rappeler que ce choix d’un modèle économique et généreux s’inscrit dans le mouvement pour l’économie bienveillante que nous avons initié avec Clara Gaymard. RAISE démontre que lorsqu’une entreprise mobilise et partage une partie de ses ressources, sa performance est meilleure et rejaillit sur l’ensemble de l’écosystème sociétal. Nous voulons que la réussite des grands profite aux petits et puisse aussi permettre de créer des emplois. Et cela fonctionne !
Quel est le point commun des startups qui réussissent et en quoi le rôle de RAISE est-il stratégique pour elles ?
Gonzague de Blignières : Les startups que nous accompagnons ont un chiffre d’affaires significatif, avec un proof of concept porteur. Elles sont issues de secteurs d’activités très différents : service, alimentation, fintech, technique… Le point commun de celles qui réussissent est souvent de résoudre un problème de vie, de répondre à une vraie demande, comme l’a fait BlaBlaCar. Il faut aussi que l’équipe soit en capacité de gérer la startup, cela ne s’improvise pas. Avec RAISE, nous mettons à leur disposition la puissance de notre écosystème pour les aider à concrétiser leurs projets. A travers nos programmes d’accompagnement nous les aidons à accélérer leur croissance et à assurer leur pérennité dans un contexte où le temps est décisif. Nous accordons également beaucoup d’importance à la relation entre jeunes et grandes entreprises, qui s’avère souvent indispensable pour que les startups puissent sortir de ce « tunnel de la mort ».
Ce fonctionnement grand-petit est donc un levier intéressant à poursuivre ?
Gonzague de Blignières : Oui, dans cet écosystème vertueux l’intelligence collective est beaucoup plus grande que si nous étions en silo. Les entreprises sont de plus en plus réceptives depuis la crise financière de 2008. Les grands groupes ont aussi commencé à se tourner vers l’extérieur et à arrêter de travailler de manière cloisonnée. Une nouvelle tendance se dégage :
le passage de l’ère de l’entrepreneuriat à l’ère de l’intrapreneuriat.
Les grands groupes extrêmement centralisés, « processés », vont changer leur business model. Les startups, elles, vont vers plus de professionnalisation : leurs projets sont bien meilleurs que ceux présentés il y a quelques années, grâce aux incubateurs et accompagnateurs. Enfin, les relations entre grands et petits vont s’organiser de façon plus fluide et plus efficace pour tous. C’est tout l’enjeu de l’étude David avec Goliath développée par RAISE et BAIN & COMPANY.
De nouveaux regards plus critiques émergent aussi sur les startups…
Gonzague de Blignières : Le plus souvent, il s’agit de startups qui se créent avec l’objectif d’être vendues. Il est vrai aussi qu’être entrepreneur ne s’invente pas. Certains porteurs de projets s’inventent des qualités d’entrepreneurs qu’ils n’ont pas vraiment et cela crée inévitablement des erreurs de parcours. Enfin, les structures d’investissement oublient souvent d’encourager l’excellence et le développement des relations, à tort. C’est d’ailleurs ce qui fait l’unicité de RAISE : travailler avec les startups de façon bienveillante, sans relation commerciale directe.
Le regard de Bruno Rousset