Il y a 17 ans naissait l’aventure LDLC, pilotée en front-office par Laurent, alors que son frère Olivier gérait le back office. Depuis, l’entreprise familiale s’est fortement développée, a connu une grave crise et su rebondir pour aujourd’hui être l’un des groupes référents dans le domaine de la vente en ligne. Une histoire de famille, de passion, de convictions et … d’hommes !
Vous avez rejoint l’entreprise lancée par votre frère Laurent en 2000. Dans quel état d’esprit étiez-vous ?
Pour moi, c’était grisant : je rejoignais une aventure extraordinaire, un rêve qui devenait réalité. Je m’inscrivais complètement dans la dynamique entrepreneuriale qui consistait à prendre des risques sans en avoir totalement conscience, où l’échec ne faisait pas peur, parce qu’il s’inscrivait dans le processus. L’insouciance fait partie du projet entrepreneurial. On n’est jamais certain de réussir, il y a toujours des moments difficiles, mais on a la possibilité de se lancer !
Quel est votre moteur ?
La passion. J’ai toujours été passionné de technique, j’adore, je programme encore aujourd’hui à mes « heures perdues ». J’aime le contact avec cet univers, Laurent est dans cette même dynamique. On a l’un et l’autre une très bonne connaissance du secteur et une grande maîtrise technique qui, depuis le début, nous ont permis d’avoir un côté précurseur. On aime bien dire qu’on est lancés sur internet avant Google, parce que c’est vrai !
Laurent est Président, vous êtes directeur général. Comment fonctionne la fratrie à la tête du groupe ?
De manière naturelle, parce qu’on est très complémentaires. Nos tempéraments sont très différents : Laurent est visionnaire, moi je suis plutôt sur le back-office. C’est un bon équilibre. Pour entreprendre, il faut pouvoir s’affranchir de nombreuses contraintes pour laisser vagabonder son esprit. Ensuite, il faut en évaluer la faisabilité. C’est là que j’interviens ! Travailler en famille peut vraiment être un « plus » parce qu’on se connaît mieux, on peut se dire les choses plus franchement, avec plus de tolérance à l’égard de chacun.
Partager la direction de l’entreprise hors du cercle familial a été difficile ?
On savait que c’était indispensable. Si on veut porter plus loin le regard et amener la boîte plus haut, il faut savoir s’entourer. Tous les membres d’une même famille n’ont pas toujours envie ou ne sont pas capables de le faire. Regarder à l’extérieur du cercle familial est souvent indispensable. On a pris notre temps pour trouver la bonne personne, ce n’est pas simple de donner les clés de l’entreprise à ce niveau stratégique ! Philippe Sauze est arrivé en 2011 et occupe une place aujourd’hui indispensable à nos côtés au poste de Directeur général délégué, avec une vraie vision front office, très tourné sur le marketing et le commercial.
Quel genre de patron êtes-vous ?
J’essaie d’être juste dans mon management et de m’assurer que les collaborateurs comprennent, sinon partagent, les décisions prises. Le dialogue est un élément déterminant, tout comme le fait de tenir ses engagements. Ensuite, je suis vigilant à rester accessible et proche. Aujourd’hui, avec 355 collaborateurs, l’entreprise est encore à taille humaine mais l’accès aux dirigeants n’est pas quotidien. En France, les salariés ne viennent pas naturellement au-devant de leurs dirigeants, il y a un frein psychologique qui fait partie de notre éducation. Si moi, dirigeant, je ne fais pas l’effort, la proximité se perd.
2005 a été l’année la plus difficile dans l’histoire de l’entreprise, avec la gestion de l’hyper croissance ?
C’est notre première vraie crise. Il nous a fallu 5 ans pour remonter la pente. C’est long, c’est difficile. Le groupe n’en est pas ressorti indemne mais s’est enrichi d’une nouvelle expérience. Elle nous a permis d’atteindre l’âge de la maturité, de prouver nos capacités de management. La résilience donne de la crédibilité : on parait plus sérieux, parce qu’on s’en est sorti et qu’on a prouvé notre solidité.
Le regard de Bruno Rousset
L’aventure LDLC est exemplaire à plus d’un titre. J’ai toujours été admiratif de sa réussite sur le plan de la « gouvernance familiale » notamment. On sait toute la difficulté de travailler et piloter une entreprise en famille. Celle-ci fonctionne sur des valeurs affectives et émotionnelles – d’attachement, de filiation – tandis que l’entreprise est un monde plus orienté vers le résultat, la rentabilité et l’efficacité.
Des ressorts pas toujours compatibles mais qui tournent à plein régime chez LDLC puisque Laurent et Olivier sont les principaux actionnaires fondateurs, avec Caroline leur sœur cadette, ainsi que leur mère. Visionnaires et réalistes, Laurent et Olivier ont senti très vite cette nécessité d’ouvrir le jeu et de prendre le risque de partager les clés de la maison – et du capital – avec une personne extérieure au « clan ». J.F. Kennedy a eu cette phrase célèbre qui nous concerne tous en tant que dirigeant : « l’art de la réussite consiste à savoir s’entourer des meilleurs ». La « success story » de LDLC en atteste !