Depuis 10 ans à la tête de Botanic – l’enseigne de jardineries – épiceries – espaces de déco bio et écolo – Luc Blanchet poursuit sur la voie esquissée par les fondateurs. Sans hésiter à marquer les sillons un peu plus fort, pour asseoir non seulement le positionnement et la stratégie de la marque, mais aussi le projet de l’entreprise. Le patron de la jardinerie pas comme les autres a le souci des environnements. Botanic cherche donc à limiter son empreinte négative sur l’écosystème et son dirigeant veille activement à préserver ses collaborateurs des effets néfastes que produirait sur eux un management inconséquent. Sa méthode ? Avoir des convictions et essayer de les partager.
Vous avez pris la tête de Botanic suite au décès de votre père : comment avez-vous interprété l’ADN de la société pour construire votre propre stratégie ?
La marque avait été créée en 1995 par mon père et ses associés, des horticulteurs qui s’étaient regroupés. J’ai pris la tête de Botanic en 2002. Je travaillais déjà dans l’entreprise, j’étais préparé. Mais je n’ai pas échappé aux doutes, à la pression : serais-je à la hauteur ? Dès sa création, la société avait marqué sa volonté de préserver l’environnement. Ce positionnement, c’est l’essence de Botanic, du fait de l’histoire de ses fondateurs, des agriculteurs soucieux de la nature. J’ai souhaité organiser et structurer davantage la société pour prendre le virage du développement durable. En outre, Botanic, comme toute entreprise familiale je pense, véhiculait une certaine idée du travail, le sens de l’effort. Je me sentais bien avec ses valeurs, son positionnement, ce qui avait été fait. Je me sentais motivé, j’avais le goût du challenge et je n’étais pas seul : les fondateurs, les collaborateurs étaient là. Reste, il est vrai, que quand il faut décider, on est seul !
Vos magasins sont tournés vers la nature et surfent sur la vague écolo-bio : qu’y a t-il de… sincère dans le positionnement marketing de l’entreprise ?
Le bio et l’écolo sont dans les gènes de Botanic : la première charte de l’entreprise, en 1995, inscrivait déjà la préservation de l’environnement au rang de ses préoccupations. Notre positionnement a été rendu plus visible au milieu des années 2000 parce que nous avons structuré notre démarche et pris des engagements forts. Si nous avons arrêté de vendre des produits chimiques et des pesticides en 2008, nous construisions déjà depuis plus de dix ans nos magasins avec des matériaux choisis et des luminaires éco-conçus. La charte d’entreprise existe toujours, nous l’avons fait évoluer en écrivant nos convictions noir sur blanc. Nous la diffusons, nous l’expliquons et nous mettons en place des programmes de formation. Construire un projet d’entreprise qui a du sens demande du temps et exige d’avoir une vision à moyen-long terme. Nous avons pu le faire grâce à notre actionnariat solide, pérenne, familial. En 1999 nous avons accueilli un financier, Siparex. Il est toujours à nos côtés avec 7 % du capital. Nous n’avons pas souffert de la pression sur des résultats à court terme qu’aurait imposé un actionnaire pressé. La notion du temps est fondamentale et c’est un luxe d’avoir un horizon lointain.
Qu-y-a-t-il de développement durable dans votre mode de management ?
Depuis 2000, les collaborateurs peuvent être porteurs de parts et 90 % d’entre eux sont aujourd’hui à la tête de 3 % du capital. Nous avons mis en place aussi un système d’intéressement et de participation. Il s’agit de partager les fruits de la croissance et d’associer les collaborateurs. Je suis convaincu que l’entreprise doit créer les conditions de l’épanouissement de chaque collaborateur en donnant du sens à son travail, en lui offrant une vision pour qu’il puisse créer son parcours de travail. On n’est pas chez les Bisounours : nous savons que si un collaborateur s’épanouit, c’est bon pour l’entreprise ! Pour commencer, nous avons mis en place des formations sur les métiers et le concept de la marque. Une fois le positionnement de Botanic assis, le moment était venu de travailler sur les RH !
Nous nous sommes tournés vers un professionnel des neurosciences, Jacques Fradin. Avec lui nous avons mis en place un programme de formation dédié à nos cadres pour qu’ils pratiquent un management par le calme et la communication juste. Nous avons appris par exemple à accéder à notre intelligence préfrontale pour gérer les situations complexes, sortir de nos habitudes, innover.
Vous avez co-fondé Entreprises Humaines au début des années 2000 : quel est l’objectif de ce mouvement ?
Botanic a en effet co-créé Entreprises Humaines avec un spécialiste des neurosciences Gilles Panteix et un consultant en entreprises, Jacques Tassi (aujourd’hui président de Handicap International). Notre idée de base était de réunir des entreprises qui ont la conviction qu’elles doivent être humaines pour les collaborateurs et pour leur propre développement, des entreprises qui souhaitent partager leurs bonnes pratiques en matière de RH, leurs expériences plus ou moins heureuses.
Et comment vous, Luc Blanchet, avez-vous réduit le hiatus entre vos convictions et la réalité de l’entreprise ?
Nous avons mis en place un baromètre social, un questionnaire anonyme distribué aux collaborateurs pour connaître leur ressenti des conditions de travail, de l’ambiance, des relations avec leur manager. L’analyse des résultats nous amène à prendre en considération les items récurrents sur lesquels nous cherchons, via des groupes de travail, à progresser. Parallèlement à cela, nous procédons à des visites de site, nous tenons des tableaux de bord pour connaître le turn over des équipes, l’absentéisme… L’item sur la rémunération est toujours mauvais. Pour autant, il faut faire montre de pédagogie, expliquer, communiquer. Ce qui compte, c’est d’être en mouvement, d’avancer. Même si ça ne fait pas tout, mieux vaut prendre les moyens de travailler sur l’existant que de rester figé ! Je suis humble : rien n’est jamais acquis. Tout évolue et nous devons évoluer vis-à-vis de nos collaborateurs avec la contrainte que l’entreprise gagne de l’argent. Une entreprise qui ne se développe pas –pas tant en quantité qu’en termes d’innovation et de qualité- ne peut s’adapter à l’évolution de son marché et de son environnement. Pour cela, il faut des moyens. L’argent et le profit sont plus que nécessaires au développement d’une entreprise. Mais la vraie question est de savoir ce qu’on fait de cet argent !

Le regard de Bruno Rousset
Ce qui est bon pour le collaborateur est bon pour l’entreprise
Dans un environnement qui oppose systématiquement producteurs / consommateurs, patrons / salariés, voilà une entreprise qui cherche à réunir et à réconcilier.
Une entreprise qui, dès le début, a cherché à réduire son empreinte sur l’environnement, en sélectionnant ses gammes de produits comme les matériaux utilisés pour la construction de ses magasins. Une entreprise qui porte attention à ses collaborateurs par le partage des résultats, la recherche du meilleur niveau de satisfaction.
J’ai été particulièrement intéressé par la formation des cadres au « management calme et la communication juste ». Luc Blanchet considère non seulement que le comportement des responsables est essentiel pour la bonne marche des entreprises et l’harmonie du climat social, mais aussi que le management doit être à hauteur d’homme, c’est-à-dire respectueux, digne. Exemple à méditer pour être imité.
Chez Botanic, il y a cette marque de l’entreprise familiale qui capitalise sur le temps et sur les hommes. Luc a su pérenniser cette posture en reprenant le flambeau en 2002.
Dans la construction patiente de cette entreprise, où l’argent et le profit sont considérés comme les moyens du développement et pas seulement comme une fin, Luc a développé un écosystème cohérent qui séduit à la fois ses collaborateurs et les clients fidèles de Botanic, comme moi !